
"Depuis tant d'années, je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu'au jour où la solution se présente enfin là, sous mes yeux, comme une évidence. Prendre le chasseur à son propre piège. L'enfermer dans un livre au titre énigmatique “Le consentement”
C'est un “roman”, un “essai”, un “témoignage”, un livre coup de poing dans lequel l’auteure relate d'une écriture incisive, directe et sincère sa relation avec un homme de 50 ans alors qu’elle n’était qu’un adolescente de 14 ans. Elle dresse le portrait impitoyable de cet homme “ce bel homme au sourire paternel, au regard amusé et intrigant, aux yeux d’un bleu surnaturel et au charme de bronze” pour qui elle n’a été qu’une proie de choix. Elle revient en détail sur ce passé sombre de sa vie, le moment où elle réalise ce qu’elle était au fond pour cet homme, un objet de prédation sexuelle, psychique mais aussi littéraire.
Mais comment une adolescente en mal de père aurait-elle pu soupçonner que cet homme au sourire pourtant “carnassier d’un grand fauve blond” n’était qu’un prédateur sexuel, d’une grande perversité nous dit-elle, puisqu’il parvient à lui faire penser qu’elle est consentante ? Mais peut-on véritablement parler de consentement, objectif, réfléchi et fondé quand on n’a que 14 ans et qu’un écrivain adoubé par ses pairs, (on l’invite sur les plateaux de télévision, on lui décerne des prix), vous écrit des poèmes, vous voussoie, ou s'intéresse à vous tout simplement ? Il ose tout et ne cache rien de ses démons, de ses désirs et plaisirs qui resteraient pourtant inavouables pour le commun des mortels.
Il n’y eut à l’époque que Denise Bombardier, romancière et chroniqueuse canadienne qui, au risque de passer pour ringarde, avait eu le courage de dénoncer publiquement l’impunité de cet homme bénéficiant semble-t-il de la protection que lui octroyait son “statut d’écrivain”.
Dès sa parution, “ Le Consentement” a déclenché une sorte d’onde de choc dans le monde littéraire actuel, et plus précisément dans le monde de l’édition. Un livre qui a fait débat dès les premières heures de sa parution et dont le succès s’explique par “une indignation et une prise de conscience collective » comme l’explique l’auteur.
A la sortie du restaurant Drouant, le 4 novembre 2013, commentant son prix Renaudot, Gabriel Matzneff déclarait alors : « Mon livre évoque le retour à l'ordre moral, la censure du sexuellement et politiquement correct. Des écrivains sulfureux et libres sont indispensables à la respiration de cette nation. » Peut-on tout écrire, peut-on tout éditer ? Quid de la liberté d’expression ? Quel regard peut-on porter sur la société des années 80 qui au nom de la littérature fermait les yeux sur tout ? La littérature excuse-t-elle tout, comme cette complaisance muette, cette tolérance condamnable envers un écrivain. À la lecture de ce livre, je n'ai pu m'empêcher de penser au sort misérable qui fut réservé à Gabrielle Russier fin années 60 parce qu'elle avait osé ce qu'on avait jugé alors '' d'impensable'', tomber amoureuse de son élève âgé de 17 ans. De quoi faire réfléchir....!
Je remercie Vanessa Springora ainsi que les Editions Grasset de m’avoir transmis ce e.book via NetGalley